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Pierre Hermé : Le Picasso de la pâtisserie

Mis à jour le
January 6, 2023
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6 Minutes

Le pilier qui a tout changé

Un pilier triangulaire en dacquoise et praliné, couronné d'une cerise. Cinq bandes dorées coulent sur le chocolat au lait. Le designer Yan Pennor l'a conçu ; Pierre Hermé l'a concrétisée. Lorsque le pâtissier alsacien a dévoilé cette création chez Fauchon, place de la Madeleine, en 1993, Paris s'est arrêté pour regarder. Une sensation instantanée, non pas parce que c'était doux, mais parce que c'était une déclaration.

Si quelqu'un incarne l'ascension du pâtissier d'artisan à artiste, c'est bien Hermé. Né dans le métier, quatrième génération de pâtissiers de sa famille, fils du célèbre Georges Hermé, ses souvenirs d'enfance se construisent au fil des heures passées dans la boulangerie de son père à regarder le sucre devenir une architecture. À quatorze ans, Gaston Lenôtre a prolongé une opportunité. Six années d'apprentissage ont suivi. Hermé a rapidement progressé : sous-chef, puis chef pâtissier dans une boutique parisienne. Puis onze ans chez Fauchon, où la véritable transformation a commencé.

Fauchon Boutique — équipe des ventes

La couture du sucre

Les débuts d'Hermé n'étaient rien de moins que théâtraux. Deux fois par an, il présentait des collections de desserts, comme des défilés de mode, « Kawai », « Désires », dévoilant des créations comme s'il s'agissait de haute couture. Lorsqu'il a présenté un spectacle de desserts au cabaret Crazy Horse, avec des mannequins élancés exposant ses confiseries, le Paris culinaire a fait rage. S'agit-il d'un art ou d'une provocation ? Les deux, peut-être.

Ses créations portent des noms comme des poèmes : « Mr. H. Mogador » est un biscuit au citron couronné de gelée de fruits de la passion, en forme de sucette. « Instant » apparaît sous la forme d'un cône inversé foncé rempli de gelée Earl Grey. Chaque pièce demande à être contemplée avant d'être consommée.

Marie-Antoine Carême, cette sommité de la gastronomie française, a déclaré un jour : « Il existe cinq beaux-arts, la peinture, la sculpture, la poésie, la musique et l'architecture, dont la pâtisserie est la principale expression. » Le travail d'Hermé concrétise l'affaire.

Macaron praliné aux noisettes

La révolution du macaron

En 1997, Hermé s'est intéressé au macaron. D'abord chez Ladurée, puis dans ses propres ateliers, il a repensé le délicat biscuit sandwich, en réduisant sa douceur et en innovant de nouvelles combinaisons de saveurs. L'ispahan (rose, framboise et litchi) est devenu sa signature, une trinité gustative qui a prouvé que la pâtisserie pouvait être à la fois sensuelle et subtile.

Les récompenses se sont accumulées. Le Gardien l'a qualifié de « roi de la pâtisserie contemporaine ». L'Express l'a surnommé « le Paganini des desserts ». Mais c'était Jeffrey Steingarten, critique gastronomique pour Vogue États-Unis, qui lui a donné le titre qui lui est resté : « Le Picasso de la pâtisserie ». Non seulement pour ses compétences, mais aussi pour sa vision : une quête incessante de saveurs et de textures sublimes, d'une esthétique minimaliste et d'ingrédients de première qualité.

Le temple mondial du goût

La marque s'est développée sur tous les continents : Tokyo d'abord, puis Doha, Djeddah, Bangkok. Chaque boutique est devenue un lieu de pèlerinage pour ceux qui ont compris que la pâtisserie pouvait être plus qu'un plaisir, elle pouvait être une philosophie.

Hermé n'a jamais cessé de réfléchir. « J'ai toujours considéré le sucre comme un assaisonnement », a-t-il déclaré Ouest-France. « Il faut ajouter la bonne quantité. De bons gâteaux peuvent être préparés avec moins de sucre. » Il a développé une gamme contenant trente pour cent de calories en moins, qu'il a appelée « gourmandise raisonnée ». Des pâtisseries végétaliennes ont suivi. « La prise en compte des nouvelles habitudes alimentaires des consommateurs est essentielle à la création car elles représentent l'avenir. »

Les macarons, a-t-il noté avec satisfaction, étaient naturellement sans gluten. Une évolution sans compromis.

Pierre Hermé par Laurent Fau

Le monument en version imprimée

Depuis trente ans, il écrit des ouvrages de référence, compilant des recettes de toute sa carrière. PH 10, initialement proposé à 130 euros, occupe désormais une place de choix sur les tables basses : 575 pages côtoient de prestigieuses œuvres d'art et d'architecture. Le message est clair : la pâtisserie moderne n'est pas un élément décoratif de la culture culinaire. C'est une pierre angulaire.

Hermé transcende le métier de pâtissier traditionnel. C'est un innovateur qui a prouvé qu'un plat sucré pouvait avoir le même poids que n'importe quel plat salé, que le sucre pouvait être manipulé avec la même précision que le sel, qu'un dessert pouvait vous faire réfléchir avant de vous faire sourire.

De ce premier pilier triangulaire de Fauchon à l'empire mondial du plaisir raffiné, Pierre Hermé a construit quelque chose d'inédit : un royaume où le goût règne, où chaque création est un argument et où le pâtissier n'est pas dans l'ombre de la cuisine, mais sous les projecteurs.

* « Le Picasso de la pâtisserie » est une célèbre citation de Jeffrey Steingarten

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